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Putschs en Afrique. «Ces pays ne supportent plus la grande arrogance française»

Les dirigeants incapables de répondre aux besoins des populations sont exposés aux coups d’Etat. Mais quelles sont les causes profondes de leur chute? Eclairages.


2 septembre 2023 à 12:25

Temps de lecture : 1 min

Afrique » La tradition, c’est sacré en Afrique. Les militaires l’ont rappelé à plusieurs reprises ces trois dernières années, en dégageant sans ménagement les dirigeants au pouvoir. Les coups d’Etat n’ont cessé de secouer le continent depuis le début du mouvement d’indépendance (le putsch militaire réussi au Gabon ce mercredi était le 109e du genre depuis 1950, sans parler des 110 autres tentatives). Après une période de relative accalmie entre 2013 et 2020, les régimes civils tombent à nouveau les uns après les autres en Afrique centrale et de l’Ouest. Eclairages.

1 Y a-t-il un effet domino en Afrique?

Le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, la Guinée, le Soudan, le Niger fin juillet et cette semaine le Gabon. Neuf coups d’Etat dans sept pays en trois ans: les prises de pouvoir des militaires se multiplient, en particulier au Sahel. Faut-il y voir un effet domino? Une lecture de ces événements tentante, mais un peu courte. «On peut légitimement dire qu’il y a une sorte de résurgence de ces coups d’Etat ces trois dernières années, voire une contagion», accorde Fahiraman Rodrigue Koné, chef du projet Sahel de l’Institut d’études de sécurité, à Bamako. «Mais il ne faut pas généraliser. Les putschs ont leur propre dynamique dans chaque pays.» Des effets d’entraînement sont toutefois possibles. Un coup d’Etat réussi peut enhardir un peu plus des putschistes en puissance dans le pays voisin.

2 Pourquoi autant de coups d’Etat?

L’Afrique est un terreau fertile pour les coups d’Etat. Nombre de pays partagent les mêmes racines. Il y a d’abord la dégradation de la situation sécuritaire. «Au Sahel, des effets de conjoncture clairement liés au problème sécuritaire n’ont pas été résolus», observe Didier Péclard, professeur de sciences politiques et directeur du master en études africaines à l’Université de Genève.

Fahiraman Rodrigue Koné l’observe depuis dix ans, en particulier au Mali et au Burkina Faso: «Il y a une incapacité des gouvernements de ces pays à apporter des solutions cohérentes et efficaces à ces problèmes avec l’aide des acteurs internationaux. Les coups d’Etat sont justifiés selon les putschistes par cette insécurité qui a révélé le déficit de gouvernance sur des questions essentielles telles que l’accès à l’éducation, la santé…»

Le défi sécuritaire a relégué à l’arrière-plan dans plusieurs pays la question du développement. Au Niger, 43% de la population souffrent d’extrême pauvreté malgré la forte croissance de 11% en 2022. «Les performances économiques n’ont pas transformé la vie quotidienne des citoyens», déplore le chef de projet. «La mobilisation populaire accompagnant ces coups d’Etat témoigne de la déception de la population face à la gouvernance politique.»

3 Quels autres liens entre ces coups d’Etat?

Le ras-le-bol face aux élites corrompues, inefficaces, incapables de répondre aux besoins de la population, d’offrir un avenir aux jeunes est un dénominateur commun dans ces pays déstabilisés. «On constate que ces coups d’Etat ont tendance à être soutenus par une partie importante d’une jeunesse avide de changements, qui ne se sent plus représentée par les élites au pouvoir et qui demande une distribution plus équitable des richesses», souligne Didier Péclard. «La rhétorique populiste et anti-impérialiste des putschistes contribue au soutien populaire.»

La propension des dirigeants de s’agripper au pouvoir, à l’image du clan Bongo pendant 55 ans au Gabon, participe aussi de cette exaspération. Autre facteur, plus basique et personnel: la soif de pouvoir ou de revanche de militaires frustrés ou ambitieux. Prenons le Niger: le général Tchiani a fait tomber le président qui entendait le remplacer, après de nombreuses années de service en tant que commandant de la garde présidentielle.

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