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France. Débarquement de Provence: hommage aux soldats français et africains

"Il n'y aurait pas eu de victoire alliée" sans "les étrangers, les tirailleurs" d'Afrique: les présidents français Emmanuel Macron et camerounais Paul Biya ont rendu un vibrant hommage jeudi à l'armée "bigarrée" du débarquement de Provence il y a 80 ans.

Le président français Emmanuel Macron et son homologue centrafricain Faustin-Archange Touadera ont participé à la cérémonie à la nécropole de Boulouris.KEYSTONE/AP/Christophe Simon

ATS
AFP

ATS et AFP

15 août 2024 à 09:28, mis à jour à 13:39

Temps de lecture : 4 min

Deux mois après les commémorations du Débarquement de Normandie, Emmanuel Macron et les dirigeants du Cameroun, du Gabon, des Comores, de Centrafrique, du Togo et du Maroc étaient réunis à Boulouris-sur-Mer dans le sud de la France pour le 80e anniversaire de l'opération "Dragoon", son équivalent en Provence, épisode méconnu mais essentiel de la Libération, lors d'une cérémonie amputée des événements en mer en raison de la météo capricieuse.

Parmi les pays récemment brouillés avec Paris, le Burkina Faso devait être représenté par un chargé d'affaires, mais le Niger, le Mali ou l'Algérie n'ont envoyé personne. Si les difficultés diplomatiques de la France en Afrique ont réduit la liste des présents, un hommage appuyé a été rendu aux soldats des ex-colonies françaises ayant combattu aux côtés des Français de métropole.

"Fervente et bigarrée"

"Officiers de l'Empire ou enfants du Sahara, natifs de la Casamance ou de Madagascar, (...) ils n'étaient pas de la même génération, ils n'étaient pas de la même confession, (...) ils étaient pourtant l'armée de la nation, armée la plus fervente et la plus bigarrée", a rappelé M. Macron à la nécropole internationale de Boulouris-sur-Mer.

"Ces hommes s'appelaient François, Boudjema, Harry, Pierre, Niakara", a poursuivi le chef de l'Etat français. "Un grand nombre d'entre eux, spahis, goumiers, tirailleurs africains, antillais, marsouins du Pacifique, n'avaient jamais foulé le sol de la métropole" avant d'être envoyés participer à la libération de la France.

"La part d'Afrique en France est aussi ce legs qui nous oblige", a plaidé le président de la République, insistant sur le fait que les noms de ces soldats "doivent continuer d'être donnés à nos rues, nos places, pour inscrire leurs traces impérissables dans notre histoire".

Idéaux universels

"Lorsqu'il s'agit de défendre l'intérêt vital de la nation, tous ceux qui se reconnaissent comme Français ont vocation à être ensemble", a-t-il insisté.

"Il n'y aurait pas eu de victoire alliée sans la contribution des autres peuples, sans les étrangers et autres tirailleurs" africains, a insisté le président camerounais Paul Biya. Selon lui, "cette lutte a été menée ensemble, pour défendre les valeurs et les idéaux universels de paix et de justice".

Après les discours, M. Macron a remis la Légion d'honneur à une résistante, Thérèse Dumont, qui a participé à la libération d'Arras, et à deux anciens combattants, le Marocain Larbi Jawa, blessé lors de la bataille du Mont Cassin en Italie, et le Français Pierre Salsedo, pied-noir de Tunisie affecté au PC du général De Lattre de Tassigny jusqu'à Berlin.

Agé de 100 ans, il a raconté jeudi son arrivée à Marseille, peu après la libération de la ville: "Nous étions très émus de débarquer en métropole. On a été un peu refroidi parce que le premier soir, on a dû dormir dans une porcherie désaffectée. Mais à la guerre comme à la guerre...".

250'000 soldats français

Le 15 août 1944, 100'000 soldats, essentiellement américains, canadiens et britanniques, avaient débarqué sur les plages du Var, ouvrant la voie à plus de 250'000 Français de l'Armée "B", composée essentiellement de troupes venues des colonies en Afrique, qui allaient reprendre Toulon puis Marseille en moins de deux semaines.

Ce succès avait contribué à la libération de l'Europe grâce au matériel acheminé via ces deux ports méditerranéens. Mais il avait aussi permis à la France, humiliée en 1940, de s'assoir à la table des vainqueurs grâce à l'engagement massif de ses forces en Provence alors qu'il n'était que symbolique en Normandie.

Placée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, l'Armée "B", future "Première armée", comptait 84'000 Français d'Afrique du Nord, 12'000 soldats des Forces françaises libres (FFL) fidèles au général de Gaulle et 12'000 Corses, mais aussi 130'000 soldats dits "musulmans", d'Algérie et du Maroc, et 12'000 soldats de l'armée coloniale, comme des tirailleurs sénégalais, ou des marsouins du Pacifique et des Antilles.

"Rattraper le temps perdu"

"Si la France a pu écrire sous son drapeau 'Liberté, égalité, fraternité', c'est en partie grâce aux tirailleurs sénégalais", avait insisté mercredi auprès de l'AFP N'Dongo Dieng, tirailleur ayant participé aux guerres d'Indochine et du Cameroun.

"La France nous avait oubliés, mais ils sont en train de rattraper le temps perdu", ajoutait de son côté Oumar Diémé, invité, comme son compatriote, parmi une délégation de cinq anciens tirailleurs à la nécropole de Boulouris, où reposent 464 soldats tués sous l'uniforme français en août 1944.