Le nouveau langage esthétique de Peugeot, c’est lui: Gilles Vidal, directeur du style du Lion, imprime sa griffe depuis janvier 2010. Le couturier des carrosseries sochaliennes évoque les multiples facettes du design automobile à l’heure où la 308 vient d’être sacrée «Voiture de l’Année» 2014. Interview.

- Gilles Vidal, vous considérez-vous comme un artiste, un artisan ou un industriel?

J’évolue à cheval sur ces trois territoires. Un designer se doit d’être créatif avant toute chose, mais son travail est corseté par des contraintes de faisabilité industrielle, de sécurité, d’équipement, d’aérodynamique, d’écologie. Quant à l’artisanat, il fait partie intégrante du processus créatif: nous avons des collaborateurs qui sculptent à la main les maquettes de carrosserie, des selliers qui mettent en volume les différentes harmonies colorées des intérieurs, des peintres, bref des spécialistes capables de simuler en maquette une voiture complète. Même si le design ne peut se passer de la numérisation, la touche humaine demeure au final primordiale.

- Le design est-il toujours synonyme d’innovation ou relève-t-il du phénomène de mode?

Par définition, les stylistes, les créatifs, quels qu’ils soient, donnent le la des tendances. Il est vrai, toutefois, que les différents bastions de la créativité s’observent, s’inspirent les uns des autres dans une sorte de cercle d’influences. Le design automobile va ainsi puiser une part de ses idées, de ses concepts dans l’horlogerie, le mobilier, la mode, l’art contemporain. Mais au-delà de ce phénomène d’interpénétration, il s’agit en priorité de créer un produit nouveau, le plus innovant possible, que l’on estimera être pertinent, appropriable, assumable par les clients dans les quatre ans à venir. Et ce sont finalement les créatifs qui vont décider des canons de la mode à ce moment-là.

- L’émotion est-elle l’un des principaux ingrédients de votre travail? Pratiquez-vous l’art de la séduction?

Forcément. Le design sert à raconter les valeurs d’un produit. Par le style de la voiture, on doit synthétiser ce qu’elle va délivrer en termes de services, de fonctions, tout en rendant l’ensemble sexy, tout en faisant vibrer les cordes de l’émotion. A une époque où les contraintes industrielles sont les mêmes pour tous les constructeurs, l’enjeu consiste à se doter d’identités esthétiques très claires, à posséder un véritable ADN de marque. En clair, les constructeurs devront de plus en plus se différencier par le design.

- Justement, quelle philosophie du design apportez-vous chez Peugeot?

Comme je l’ai souligné, l’idée est de raconter les valeurs, les racines d’une marque. Peugeot joue dans le registre de l’élégance. Elle fait preuve d’une forte personnalité, notamment sur la face avant, que je qualifierais de charismatique. Sur cette base, on va travailler en particulier les optiques, qui sont le reflet du niveau technologique de la voiture, avec l’idée-force que l’on doit toujours pouvoir regarder une Peugeot dans les yeux, à savoir conserver une relation vivante avec le véhicule, loin du tout robotique.

S’agissant du style, le Lion privilégie les lignes épurées, simples, harmonieuses, alignées, là où d’autres vont opter pour la syncope ou le décalé, tout en recherchant l’innovation et la nouveauté. Dans la sculpture de la voiture, Peugeot joue aussi l’allégement, l’agilité. La 308 actuelle pèse par exemple 140kg de moins que sa devancière. Ces valeurs-là, on va les mettre en langage par le design en creusant la carrosserie dans certaines zones pour montrer que l’on a retiré de la matière. En résumé, nous visons un style à la fois athlétique, efficient, dynamique et élégant.

- Le designer égal de l’artiste, c’est donc un mythe.

Oui. A la différence de l’artiste, le designer n’a pas carte blanche. Il poursuit un objectif majeur, celui d’élaborer un produit utile, fonctionnel, qui puisse répondre à l’attente des clients dans les registres de la mobilité et de la praticité, qui parvienne à tirer son épingle du jeu dans un marché très concurrentiel.

- Comment le secteur design du Lion est-il organisé?

Nous disposons d’un studio principal à Vélizy, près de Paris, qui compte quelque 150 personnes, et deux autres, plus petits, à Shanghai et Sao Paulo, avec respectivement une trentaine et une dizaine de collaborateurs. Très panachées, les équipes sont composées de designers pour l’intérieur et l’extérieur, de stylistes couleurs et matières, de graphistes, d’infographistes, de maquettistes, d’opérateurs CAO, responsables des modélisations 3D sur écran, et d’hyperspécialistes tels que les peintres ou les selliers.

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Diplômé à Vevey

Gilles Vidal, 42 ans, est le chef d’orchestre du style Peugeot depuis quatre ans. A son tableau de chasse figurent les 208, 2008 et 308, ainsi que les dernières créations de la marque, la 108 et la 308 SW. Avant d’être nommé à la tête du design Peugeot, celui qui a le titre de directeur artistique avait dirigé, entre 2009 et 2010, le département des concept-cars duconstructeur sochalien.

Gilles Vidal a forgé sa réputation de designer chez Citroën entre 1996 et 2009, où il a initié, entre autres, l’étude de la C4 Cactus, restylé la Berlingo et travaillé sur la Xsara Picasso ainsi que la version rallye de la Saxo. C’est à Vevey qu’il a obtenu un diplôme de l’Art center college of design, une antenne aujourd’hui disparue de cette école très réputée de Pasadena, en Californie. A-t-il le sentiment que les designers se starifient: «Non.Je ne me considère pas comme une star et les designers ne figurent pas encore dans les magazines people.