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Histoire vivante

La tuberculose éclipsée par le Covid-19

En un siècle, le vaccin BCG aurait sauvé un milliard de patients. Mais le fléau inquiète toujours l’OMS

Campagne de vaccination contre la tuberculose dans les années 1920.

3 décembre 2021 à 02:01

Pandémie » La tuberculose, qui a fait 1,5 million de morts en 2020, connaît une recrudescence de cas depuis le début de la pandémie de Covid-19, inquiétant l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais comment se fait-il que cette maladie infectieuse décrite depuis l’Antiquité, dont l’agent bactérien a été découvert en 1882, qui est combattue par un vaccin depuis 1921, et qui est traitée par de puissants cocktails d’antibiotiques, n’ait toujours pas pu être éliminée?

La réponse tient à de multiples facteurs. A commencer par la nature complexe de la maladie. La tuberculose, qui est causée par le bacille Mycobacterium tuberculosis, isolé en 1882 par le médecin allemand Robert Koch, est très répandue dans sa forme pulmonaire (70% des cas) à l’échelle mondiale. Elle s’attrape simplement par voie respiratoire, peut rester longtemps «en sommeil», attaquer sévèrement les bronches, mais aussi diffuser dans l’organisme et causer des atteintes ganglionnaires, urogénitales, ostéoarticulaires ou méningées mortelles.

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millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année

Environ dix millions de nouveaux cas de turberculose sont diagnostiqués chaque année dans le monde, principalement dans neuf pays: Inde, Bangladesh, Indonésie, Birmanie, Pakistan, Philippines, Afrique du Sud, Tadjikistan et Ukraine. Les pays industrialisés sont largement épargnés, la Suisse dénombrant seulement 500 nouveaux cas annuellement.

Vaccin centenaire

La grande difficulté, pour obtenir une éradication complète de la tuberculose, réside dans la faible efficacité de son vaccin. C’est qu’il n’existe pour l’instant qu’un seul vaccin dans le commerce, le BCG ou bacille Calmette-Guérin, développé à l’Institut Pasteur il y a déjà… 100 ans! Ce vaccin, mis au point à partir d’une souche vivante atténuée, a été administré pour la première fois à un nourrisson en juillet 1921. S’il a vraisemblablement permis de sauver un milliard d’humains en un siècle, et si plus de 100 millions d’enfants le reçoivent encore chaque année, il mérite assurément d’être renouvelé.

«L’efficacité du BCG est limitée aux nouveau-nés et aux nourrissons jusqu’à l’âge de 5 ans des pays à forte charge de tuberculose. Il ne fonctionne pas au-delà.»
Lucica Ditiu

«L’efficacité du BCG est limitée aux nouveau-nés et aux nourrissons jusqu’à l’âge de 5 ans des pays à forte charge de tuberculose. Il ne fonctionne pas au-delà. Donc, littéralement, nous n’avons pas de vaccin contre la tuberculose», souligne Lucica Ditiu, directrice exécutive de Stop TB Partnership, un vaste partenariat de 1500 organisations gouvernementales et ONG basé à Genève. Actuellement, une dizaine de vaccins sont candidats contre la tuberculose à différents stades de développement et essais cliniques. La technique de l’ARN messager (ARNm), utilisée pour les vaccins contre le Covid-19, est aussi prise en compte.

Concurrence du Covid-19

Le problème vient du financement, largement gelé en raison de la concurrence du Covid-19. «Au niveau actuel des investissements et de la vitesse de travail, la date de disponibilité et de déploiement d’un nouveau vaccin contre la tuberculose est prévue pour fin 2027. Ce délai est inaccessible et totalement injuste pour une maladie millénaire qui tue 4100 personnes chaque jour», déplore Lucica Ditiu. Pour aller de l’avant, le partenariat Stop TB demande que soit comblé le déficit de financement, soit 1 milliard de dollars par an. A titre de comparaison, les investissements consentis pour les vaccins contre le Covid se sont montés à 107 milliards en 2020.

En dates

~ 2700 av. J.-C.

1re description probable de la tuberculose en Chine.

~ 400 av. J.-C.

Description de la «phtisie» par le médecin grec Hippocrate.

1855

Premier sanatorium, à Görbersdorf (Pologne).

1882

Le médecin allemand Robert Koch isole le bacille de la tuberculose.

1921

Lancement du vaccin BCG par Albert Calmette et Camille Guérin.

1943

Découverte de l’antibiotique streptomycine.

1952

Trithérapie contre la tuberculose.

2020

La tuberculose fait 1,5 million de morts. Dix millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. PFY

Pour la directrice exécutive, il s’agit de tirer les leçons de l’accélération des processus de développement des vaccins contre le Covid-19, de telle sorte qu’un nouveau vaccin puisse être déployé en 2023. «Nous savons que c’est faisable. Cela nécessite un financement et de la volonté», souligne-t-elle.

Résistances et sida

Des vaccins modernes s’imposent d’autant plus que le traitement de la tuberculose s’est lourdement complexifié ces dernières décennies en raison du développement de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. Au début des années 1950 déjà, le médecin John Crofton, pionnier du traitement de la tuberculose à l’Université d’Edimbourg, avait mis au point une trithérapie pour limiter les résistances du bacille de Koch. Aujourd’hui, le traitement s’appuie sur une quadrithérapie. Selon l’OMS, 85% des personnes qui développent la maladie peuvent être traitées avec succès grâce à un schéma thérapeutique de six mois. Ce traitement présente l’avantage supplémentaire de réduire la transmission ultérieure de l’infection.

Autre problème à prendre en compte, apparu dans les années 1990, la combinaison entre le sida et les souches résistantes. Couplées, ces deux maladies deviennent encore plus dangereuses, l’une accélérant la progression de l’autre. Pour un adulte atteint d’une tuberculose latente, l’infection au VIH accroît jusqu’à 50% le risque de développement de symptômes tuberculeux cliniques. Dans certains pays d’Afrique, 10 à 15% de la population adulte présentent les deux pathologies. La recrudescence des cas de tuberculose a amené l’OMS à tirer la sonnette d’alarme dès 1993. La tuberculose reste la principale cause de décès chez les personnes atteintes du VIH: en 2020, 214 000 victimes de la tuberculose étaient des séropositifs.

Horizon 2030

A noter que le traumatisme est aussi accentué en combinaison avec le Covid-19. «Les personnes infectées par la tuberculose et malades du Covid-19 ont plus de risques de développer la maladie que les autres», affirme la directrice de Stop TB, précisant que des études sont en cours.

Aujourd’hui, la tuberculose reste la maladie la plus meurtrière après le Covid-19. L’OMS espère l’éradiquer d’ici à 2030. Lucica Ditiu: «La tuberculose reste l’orpheline des maladies transmissibles infectieuses en termes de financement. C’est pourquoi nous allons, plus que jamais, travailler avec les gouvernements des pays touchés pour qu’ils prennent les commandes et que nous puissions compter sur leur leadership.»


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