Swans. une longue prière empreinte d'une quiétude trompeuse

Rock » Un vieux cowboy chemine sur l’autoroute fantôme qui file à travers le désert, jusqu’à l’infini. Ainsi démarre, sous un ciel d’apocalypse, Where Does a Body End?, un documentaire fleuve (2 h 30) signé Marco Porsia dont le héros s’appelle Michael Gira. Cet auteur-compositeur à la voix d’outre-tombe est le leader de Swans, l’une des formations les plus magnétiques et radicales de l’histoire de la musique rock que le public romand pourra découvrir le 26 août au festival Nox Orae à La Tour-de-Peilz. Celui qui fêtera l’an prochain ses 70 ans se plaît à répéter que «la grosse question, c’est: est-ce que j’existe vraiment?»

Si ça n’est pas le cas, avouons que l’illusion est parfaite, tant la vie qui défile sur l’écran ressemble à la quête d’un chamane occupé à dompter des coulées d’énergie tellurique. Fils de militaire, Gira découvre très tôt l’existence d’un autre monde, bien plus fascinant que celui dans lequel les adultes veulent le caser.

Case prison

Ainsi, à l’automne 1969, alors que son père séjourne à Paris, il fugue avec des amis et se retrouve en Belgique, du côté d’Amougies où a lieu un festival qui deviendra mythique. Cinq nuits durant, l’adolescent est initié à la musique underground de l’époque: Soft Machine, Pink Floyd, Frank Zappa, Captain Beefheart, Art Ensemble Of Chicago, Gong et quelques dizaines d’autres…

Dans la foulée, son âme vagabonde le mène en Israël. Là, dans un kibboutz, il vend du haschich, se fait arrêter et passe de longues semaines dans une prison emplie de détraqués. Une expérience violente, traumatisante qui ne sera pas sans influence sur la musique à venir…

Une décennie plus tard, c’est du côté de New York que Gira pose ses bagages. Sans un dollar en poche, incapable de se nourrir tous les jours, il fait ses gammes au sein de formations éphémères sous influence d’une scène bruitiste incarnée par des groupes tels que Teenage Jesus and the Jerks ou DNA. En 1982, Swans voit le jour. Dès les premières apparitions de la troupe, l’évidence frappe les oreilles: personne ne sonne comme Swans! Alors même que leurs contemporains (Sonic Youth, Live Skull) balancent des riffs tordus sur un rythme proche du rock hardcore, Gira et ses complices ralentissent le tempo jusqu’à le figer dans un mystérieux espace-temps où l’on ne perçoit plus qu’un souffle monstrueux, celui du Minotaure sous psychotropes tapi dans l’ombre.

Un concert de Swans relève alors de l’expérience physique totale, à quelques années-lumière du divertissement. Mené par Gira, colosse à longue crinière, mi-Golem mi-Iggy Pop, le groupe a tendance à vider les salles bien avant la fermeture. C’est le cas en avril 1984 à Fri-Son où les spectateurs, terrifiés par le volume sonore dès le premier coup de cymbale, choisissent d’aller boire leur bière à l’extérieur.