Rock » Voici longtemps que Mick Jagger n’est plus un voyou. Le fringant octogénaire est l’incarnation parfaite du gentleman. Pour preuve: l’autre soir, on l’a vu répondre depuis Londres aux questions du présentateur d’un journal télévisé français avec un flegme digne d’éloges. En quelques minutes, Sir Mick a de fait évoqué un automne clément sévissant sur les bords de la Tamise, son amour de l’Hexagone et un tas d’autres choses passionnantes. Peu avant la fin, le chanteur des Rolling Stones a tenu à évoquer la sortie d’Hackney Diamonds, premier album studio du groupe en 18 ans (Blue & Lonesome paru en 2016 n’était qu’une collection de reprises de classiques du blues)!
Là, Jagga a lâché quelque chose du genre: «Tout ça a pris du temps, car lorsque je publie un nouvel album, j’ai envie qu’il puisse rivaliser avec nos meilleurs albums…» En voilà de l’ambition! Bon, Jagger ne cesse de répéter que la nostalgie n’est pas son affaire et que, contrairement à Keith Richards, il n’écoute jamais les albums qu’il a enregistrés au siècle passé. Vu sous cet angle, il ne devrait donc pas éprouver de difficultés à ranger Hackney Diamonds parmi ses classiques.
Savoir-faire et éclairs de magie: on a écouté «Hackney Diamonds», le nouvel album des Stones
Plus loin, plus fort
Dans le monde réel, la partie s’annonce plus compliquée. Au contraire de leur idole, la plupart des fans sont nostalgiques, du moins musicalement parlant. Honnêtement, il y a de quoi. Après un départ canon dès 1964 (trois albums turbulents, chants d’amour à Chuck Berry et aux ténors du blues et du rhythm’n’blues et une poignée de hits dont Satisfaction), les Londoniens ont, entre 1966 et 1972, gravé les tables de la loi.
Les albums vinyles qui attestent de cette révolution valent plus qu’une tonne d’or pur. Aftermath est le premier chef-d’œuvre de cette collection. Il sort au printemps 1966. A l’époque, les track listings des versions anglaises et américaines des disques du groupe (cela concerne aussi les Beatles) varient souvent de quelques titres mais l’histoire a retenu les opus anglais, plus cohérents.
Aftermath donc est un album phénoménal. Sauvages ou infusés dans un psychédélisme délicat, les titres s’enchaînent comme dans un songe électrique, Mother’s Little Helper, Lady Jane, Under My Thumb, les onze minutes fracassées de Goin’ Home, Out of Time: bien des artistes sacrifieraient un bras pour pouvoir écrire, sur une trentaine d’années, des merveilles pareilles.