Classique » «Peu de choses indiquaient, dans ma jeunesse, que je serais un jour musicien.» Mais ce fils d’un planteur d’artichauts, né dans un village de pêcheurs de la côte californienne, est devenu l’un de ces maestros que la planète classique s’arrache. Une destinée nimbée de rêve américain que le chef d’ascendance japonaise déroule dans un français soigné, appris à l’époque pour dialoguer avec le compositeur Olivier Messiaen, son père spirituel.
1951
Naissance en Californie
1957
Arrivée du professeur Korisheli à Morro Bay
1977
Débuts à l’Opéra de Boston
1981
Rencontre avec Zappa
1981
Habite chez Messiaen, à Paris
1989
Dirige l’Opéra national de Lyon
2006
Dirige l’Orchestre symphonique de Montréal
2015
Dirige l’Orchestre philharmonique de Hambourg
Au bout du fil, Kent Nagano. Généreux malgré son planning au tempo allegro vivace, le septuagénaire partage sa conviction avec une juvénile ardeur. Car c’est un moderne au cœur ancien, qui n’hésite pas à inviter des joueurs de hockey comme récitants, à confronter un DJ et Stravinsky, à enregistrer Schönberg avec Björk. A l’Orchestre symphonique de Montréal, qu’il a dirigé jusqu’en 2020, et désormais à la tête de l’Orchestre philharmonique de Hambourg, il rappelle que la musique savante est une matière vivante.
Et pour oser encore d’autres variations, il fera ses débuts mercredi et jeudi à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande, à Genève, pour deux concerts exceptionnels. Car c’est en chef de famille que Nagano donnera le tempo dans Mozart (lire ci-dessous). Interview.
Comment un fils d’agriculteurs est-il devenu chef d’orchestre de réputation internationale?
Kent Nagano: Tout tient en un seul mot, toujours aussi actuel: l’éducation. Tout passe par là. Dans mon cas, j’ai eu le grand privilège d’avoir deux parents qui n’étaient pas seulement fermiers mais également ingénieur et architecte pour mon père, pianiste et microbiologiste pour ma mère. Une famille plutôt inhabituelle pour la région! Ma mère, qui était très cultivée, nous a mis au piano dès le plus jeune âge ma sœur et moi, car elle trouvait cela important.
Puis le hasard a mis sur votre
trajectoire un autre grand pédagogue…
Oui, nous avons eu la chance d’avoir dans notre communauté un pédagogue aujourd’hui célébré partout, Wachtang Korisheli, pianiste concertiste d’origine géorgienne qui avait d’abord fui l’URSS après que Staline a fait exécuter son père, puis l’Allemagne du Reich, avant de s’embarquer pour l’Amérique et d’atterrir enfin dans notre village… Il a apporté toute la technique du Conservatoire de Moscou et toute la structure de la Münchner Musikhochschule, et nous en a fait bénéficier en dirigeant le chœur de l’église, en enseignant le piano, en mettant sur pied un véritable conservatoire. Une chance inouïe!
