Art choral » Une bande qui s’est dissoute, puis reformée, l’excellence en ligne de mire. Des amis qui n’ont jamais cessé de chanter et ont désiré remettre la belle ouvrage sur le métier, sous la direction du chef Nicolas Fink. Porté par les liens d’amitié et le bonheur du chant choral, l’Ensemble Leonardo lance une nouvelle tournée qui passe par Fribourg vendredi. Il propose les Vêpres de Rachmaninov en guise de retrouvailles, en attendant les suites prometteuses de ce nouveau départ.
L’ensemble vocal a commencé ses activités en Suisse en 2007, sous l’impulsion de Nicolas Fink. Celles-ci ont duré quelques années, jusqu’en 2014, quand le chef bernois est parti en Allemagne pour poursuivre sa carrière. Il est aujourd’hui directeur du Chœur de la Radio de Cologne (WDR Rundfunkchor, un chœur professionnel) et dirige aussi, entre autres, le Chœur suisse des jeunes. Nicolas Fink a encore réuni ses anciens choristes et collègues pour un one shot en 2020, mais ce n’est qu’en 2023 qu’un comité a fondé une association pour relancer l’Ensemble Leonardo.
Le chœur entend fonctionner par projets, exigeant des choristes un travail personnel au préalable. «Ils doivent être capables de se préparer seuls», précise Monika Schumacher, membre du comité. La plupart d’entre eux ont suivi une formation vocale et ont continué de chanter à haut niveau, tout en restant des amateurs. Seule une poignée a fait des études professionnelles de musique.
Voix fribourgeoises
Ils sont une septantaine au total à s’être engagés cette fin de semaine pour interpréter les Vêpres de Rachmaninov, vendredi à l’église des Cordeliers, à Fribourg, samedi à la Wasserkirche, à Zurich et dimanche au Münster, à Berne. Certains sont des fidèles de la première heure, les plus jeunes ont rejoint les rangs pour poursuivre l’aventure entamée au Chœur suisse des jeunes avec le chef d’envergure internationale. Seize voix au total sont fribourgeoises. Nicolas Fink est particulièrement heureux de réunir des chanteurs romands et alémaniques, venus des deux régions linguistiques, pour former un chœur suisse. Les répétitions ont lieu à Berne.
Les Vêpres, aussi appelées Vigiles nocturnes, sont l’un des sommets du répertoire choral. Elles ont fait partie des œuvres de prédilection de l’Ensemble Leonardo durant ses premières années. «C’est une œuvre qui m’est chère, apprécie Nicolas Fink. Je l’ai enregistrée avec le Chœur de la Radio de Cologne et dirigée avec le Chœur de Radio France. Elle m’accompagne depuis longtemps.»
«On a l’impression que c’est de la musique orthodoxe russe, mais ce n’est pas une musique liturgique», rappelle le chef. Ecrite en 1915, c’est une musique de concert qui s’inspire et renouvelle des traditions et des modes beaucoup plus anciens. Même si elle s’appuie sur des textes sacrés en slavon, elle a peu à voir avec la musique chantée durant les offices liturgiques au début du XXe siècle.
D’ailleurs, Rachmaninov a quitté son pays au moment des soubresauts de la révolution de 1917. Il s’est exilé avec sa famille aux Etats-Unis, où il est mort en 1943 en tant que citoyen américain. Avant la Seconde Guerre mondiale, il a aussi vécu un temps dans le canton de Lucerne, au bord du lac des Quatre-Cantons. A l’heure de l’invasion de l’Ukraine, la trajectoire de Rachmaninov rappelle qu’un artiste comme lui avait pris ses distances avec le pouvoir. L’Ensemble Leonardo souligne à quel point ses Vêpres représentent un appel à la paix: l’œuvre «exprime un désir profond de paix entre les êtres humains», défend le chœur.
Une œuvre inégalée
Musicalement, Nicolas Fink la décrit comme «exceptionnelle du point de vue harmonique. Les basses descendent jusqu’au si bémol grave. Les sopranos sont toujours dans les aigus. C’est extrêmement difficile à chanter. Pour un chœur, c’est l’une des œuvres les plus virtuoses qui soient.» Elle est aussi très forte émotionnellement. Son caractère mystique touche: «On a tous besoin de ça aujourd’hui, retrouver le sens de la communauté, renouer avec les émotions, écouter quelque chose de pas trop intellectuel», selon le chef.
