A Equilibre, une lecture sobre qui nuance le «Guillaume Tell» de Rossini

Opéra » Monter Guillaume Tell aujourd’hui, c’est se confronter à un patriotisme exagéré, à une histoire d’amour d’un romantisme d’un autre temps, à des personnages caricaturaux, à la légitimation du recours aux armes par le sacré… Sans oublier qu’à l’opéra, l’intrigue s’étire, le suspense se prolonge, l’efficacité dramatique s’incline face aux splendeurs de la musique. Surtout quand il s’agit de celle de Rossini. A Equilibre, vendredi soir, le metteur en scène Julien Chavaz a intelligemment contourné ou plutôt dépassé l’écueil d’un livret décidément too much (la formule vient de lui-même) pour des spectatrices et spectateurs de 2024.

Musicalement d’abord, l’Orchestre de chambre fribourgeois est en forme olympique sous la baguette de Fergus Sheil, chef irlandais qui avait déjà dirigé cette production à Dublin, dans le cadre d’une collaboration entre le Nouvel Opéra Fribourg et l’Irish National Opera. A l’écoute de la fosse, on savoure le dynamisme, la réactivité de l’ensemble. Et toutes ces couleurs que Rossini a soigneusement choisies, la harpe quand Guillaume Tell pleure le désarroi des Confédérés dominés par les Autrichiens, le cor quand il s’agit d’imiter les mélodies alpestres, la clarinette qui anime les réjouissances d’une fête villageoise, le solo de violoncelle préfiguré dans l’ouverture qui concentre toute la tension de la scène de la pomme…