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Culture

Vitromusée Romont. «L’enverre» de la peinture

Le Vitromusée Romont expose les œuvres de Valentine Prax, Ineke Esseiva, Florence Francon, des peintres sous verre.

Les personnages aux yeux surdimensionnés de Florence Francon. © Charly Rappo

31 octobre 2023 à 19:25

Glâne » La difficulté technique est énorme, car il faut commencer par les détails pour aller vers le général. Penser l’œuvre à l’envers, finalement. Et c’est ainsi qu’elle est travaillée avec cette impossibilité de revenir en arrière. Si, par exemple, les yeux des personnages ont été oubliés, ces êtres resteront sans aucun regard. La peinture sous verre est donc un art bien compliqué pour qui s’y essaierait. Mais un art ancien, sans cesse renouvelé comme le montre le Vitromusée Romont, possédant une énorme collection de pièces réalisées grâce à cette technique, des œuvres tant historiques qu’imaginées par des artistes contemporains.

Pour la deuxième exposition Clin d’Œil de cette année, l’institution glânoise a donc puisé dans ses trésors afin de montrer les créations de trois femmes, Valentine Prax, Ineke Esseiva et Florence Francon. Trois créatrices dont les œuvres dégagent un air de fraîcheur dans la magnifique salle des Baillis. Avec trois autres expositions temporaires en parallèle et son exposition permanente, le musée montre la variété de l’art verrier et jette des ponts entre les œuvres d’une salle à l’autre (lire ci-dessous).

La Néerlandaise Ineke Esseiva, Fribourgeoise d’adoption (1918-1999), a travaillé de nombreuses techniques, dont le collage, le dessin et également la peinture sous verre, présentée ici. L’artiste, qui a vécu plusieurs années au Rwanda, à Jérusalem, à Gaza, au Liban et en Jordanie, a notamment magnifiquement saisi le monde de la mer. Avec ses gris et ses bleus émaillés de blanc (la peinture a-t-elle été grattée?), elle évoque habilement son miroitement. Ses compositions géométriques rappellent les vitraux, sans toutefois que la lumière ne vienne jouer avec une quelconque transparence. Dans ces très belles pièces, les personnages sont des silhouettes profitant de décors somptueux.

Vingtaine d’œuvres

Ils tranchent avec les personnages de la Fribourgeoise Florence Francon (1930-2013) qui, eux, prennent toute la place. Ils sont nombreux à se presser devant la gare, à poser devant un monument (attendent-ils que quelqu’un prenne une photo?), à se balader dans la neige. Leur taille est disproportionnée. Leurs yeux immenses, grands ouverts sur le monde, leur confèrent une candeur, un air de manga. Quand ils sont en groupe bien en face du visiteur, ils semblent le scruter en profondeur.

Quant à Valentine Prax (1897-1981) qui a étudié les Beaux-Arts à Alger, qui a épousé le sculpteur Ossip Zadkine, qui s’est aussi essayée à de nombreuses techniques, elle a surtout exploré la peinture sous verre dans les années 1920-1930. Seule une vingtaine de ses œuvres peintes selon cette technique sont connues et une partie d’entre elles sont visibles ici, montrant son talent. Autant dire que la visite est exceptionnelle.

Ses compositions géométriques rappellent les vitraux

Pour mieux comprendre cette technique, on se promènera dans la collection permanente dont un secteur est dédié à la discipline, et qui explique avec un exemple concret comment les artistes doivent travailler. A quelques pas de là, on découvrira toutefois une œuvre de Silvia Gertsch, une créatrice à qui le Vitromusée avait consacré il y a quelques mois une belle exposition. Sa technique de travail est différente. Elle ne peint pas en retournant la plaque de verre au verso mais en faisant face à la plaque et en glissant sa main derrière cette dernière, tout en peignant en pointant le pinceau vers elle. Le format de l’œuvre est donc limité à celui que son bras peut atteindre dans cette gymnastique étonnante. L’œuvre représente une jeune fille absorbée par son natel. Les clairs-obscurs sont résolument modernes ici: elle est éclairée par son smartphone. C’est un portrait saisissant de la femme d’aujourd’hui. Splendide.

Pièces iconiques vénitiennes

Si Baldwin et Guggisberg ont entre autres adopté la technique de l’overlay, soit de l’appose de plusieurs couches de verres de couleurs différentes pour façonner une œuvre, on en observera un exemple totalement différent dans l’exposition Iconic Pieces. Verres emblématiques de Venise. Cette dernière se focalise sur l’art de ce coin d’Italie produit au XXsiècle par les manufactures M.V.M. Cappellin, Venini et Seguso Vetri d’Arte. Ainsi la technique utilisée par Flavio Poli est celle en Sommerso et fait rougeoyer telle une flamme le fond de sa création bleue. Plus impressionnant encore le Fazzoletto qui, comme son nom l’indique, imite un mouchoir froissé. On n’est clairement pas sur l’imitation d’un mouchoir en papier, mais on s’approche d’une pièce en tissu où des motifs sont répliqués. On n’ose imaginer la virtuosité nécessaire pour aboutir à cette délicatesse d’exécution. Des photographies et des dessins permettront encore de creuser les détails de ces techniques de haut vol.

F Jusqu’au 28 janvier au Vitromusée Romont.

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