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Culture

Immersion dans un jardin sonique au Bad Bonn Kilbi

La manifestation singinoise a favorisé les belles découvertes musicales dans une ambiance festive

Bad Bonn Kilbi, concert de The Comet is coming Photo Lib / Charly Rappo, Guin, 02.06.2023Charly Rappo/Charly Rappo / La Liberté

Amédée Hirt

Amédée Hirt

4 juin 2023 à 23:01

Bad Bonn Kilbi» L’après-midi, torride, est bien entamée lorsqu’on avance d’un pas décidé sur ce petit ruban d’asphalte serpentant entre deux champs où les coquelicots poussent en bouquets. Soudain, l’émotion, joyeuse, nous submerge: la route de campagne vient de se changer en avenue! Une avenue sur laquelle se presse une foule paisible accourue des quatre coins du pays, mais aussi d’Allemagne, de France et d’Italie si l’on en juge par l’immatriculation des véhicules alignés sur le parking!

La raison de cette invasion, tout le monde la connaît par ici: Kilbi, cité radieuse sise au jardin d’Eden, vient à nouveau de sortir de terre pour trois jours de célébrations musicales inédites proposées par plus de 50 groupes et artistes. Trois jours! Comme à chaque fois, on invoque les divinités soniques pour que le temps ne file pas trop vite. Dans la prairie du Bad Bonn transformée en ruche, tout le monde semble du même avis. Nous sommes jeudi, le festival a débuté il y a une heure à peine lorsque l’onde électronique du duo suisse Musique Infinie nous frôle délicatement. Il est temps de plonger dans une dimension. Sur la grande scène, Surprise Chef, un quintet venu d’Australie, propose une sorte de funk-jazz cinématographique instrumental quelque part entre les Crusaders et Lalo Schifrin dans sa période Enter The Dragon.

Plus de 50

Le nombre de groupes qui se sont produits au festival singinois

Exigeant et renversant

Déjà la foule, ivre de joie, tangue sous l’impulsion d’une basse enveloppante, se délecte des notes cristallines du piano électrique en plein dialogue avec la guitare et le xylophone… Fort logiquement, Surprise Chef triomphe et avant de quitter les planches se fait photographier avec la foule bondissante derrière lui. «Comme ça, ma mère me croira lorsque je lui dis qu’à l’autre bout du monde, il y a des gens qui viennent nous écouter», confie un des musiciens, comblé par sa première virée en Suisse!

Nettement plus énervé, Soul Glo, trio hardcore de Philadelphie passe hip-hop, punk et noise à la moulinette sans jamais faiblir. Rien ne vaut après pareille tornade la pop électronique du duo britannique Jockstrap illuminée par les vocalises d’une chanteuse qui se réinvente parfois en disco queen sur un déferlement d’infrabasses.

«Comme ça, ma mère me croira lorsque je lui dis qu’à l’autre bout du monde, il y a des gens qui viennent nous écouter»
Un musicien de Surprise Chef

Autre monde, nouveau choc, avec Fulmine, projet de la Fribourgeoise Rebecca Solari, exigeant et renversant. Un songe sonique inclassable mais d’une vraie beauté évoquant une rave party dans la Rome du Satyricon durant laquelle un esprit venu d’ailleurs se charge d’enivrer l’assistance avec un air de chanson pop italienne!

Plus basique, punchy et tranchant, The Chats, trio australien, renoue avec le punk-rock expédié dans la tronche à la bonne franquette façon Ramones tandis qu’un néon «Get Fucked» ne cesse de clignoter derrière la scène.

Vendredi, c’est au tour de The Comet is Coming, trio londonien, de mettre la foule à genoux. Le temps d’un set cosmique propice au télescopage entre le jazz avant-gardiste d’un Sun Ra et la techno perforante échappée d’un squat de la Tamise, claviers, batterie et saxophone expédient des salves psychédéliques en direction des étoiles. Grandiose!

Autre trio inclassable: Sudden Infant. Ces trois Bâlois distillent sur la microscène du Bad Bonn un punk rock libertaire et dadaïste. Voilà-là les dignes héritiers de défricheurs rebelles comme Captain Beefheart et Pere Ubu!

Plus tôt, on a apprécié le tropicalisme seventies de Sessa, chanteur et guitariste brésilien amateur de rêveries sur la plage. Autant de douces mélopées qui n’ont pas leur place dans l’esprit de Moin, formation post-rock britannique qui brûle les décibels et sonne comme si The Fall décidait de reprendre l’intégralité de The Wall, album de Pink Floyd qu’il n’est plus utile.

On en redemande

Les tympans sifflent mais il devient impossible d’arrêter le temps. Samedi, déjà. Le public, nullement repu par toutes ces propositions musicales issues d’une scène indépendante, créative, généreuse, en redemande. Dans la moiteur du Bad Bonn, difficile de ne pas fondre en larmes en découvrant la voix de l’Américaine Lael Neale, signature du label de Seattle Sub Pop, qui au terme d’un set aussi gracieux que fiévreux reprend Don’t Make Me Over, chanson de Burt Bacharach et Hal David jadis immortalisée par Dionne Warwick. Kilbi aime les contrastes, les périples vocaux inédits comme ceux que propose l’artiste espagnole Marina Herlop, équilibriste solaire qui souligne son chant audacieux de quelques traits electro féeriques. Préférant jouer au milieu de la foule plutôt que sur scène, les Marseillais de Donna Candy épatent avec un hardcore industriel sévèrement tabassé par une rythmique infatigable et des incantations trafiquées.

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