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Culture

Dérives. «Il y a urgence à pointer la responsabilité de l’industrie culturelle»

Les mastodontes de la culture éveillent l’imaginaire lorsqu’ils ne distillent pas haine, désinformation, stéréotypes. Pour Pascale Thumerelle, qui signe un livre sur le sujet, l’empreinte sur le bien commun de ces entreprises doit être interrogée.

Les nombreuses options de personnalisation des avatars dans le jeu vidéo World of Warcraft constituent, pour Pascale Thumerelle, une bonne manière de déjouer les stéréotypes. © Blizzard Entertainment

17 février 2024 à 02:05

Temps de lecture : 1 min

L’empreinte écologique est la vertu de notre temps, dont tout acteur économique majeur est sommé désormais de rendre compte – au gramme de CO2 près si possible. Mais il est une autre empreinte, tout aussi néfaste, dont l’effet de serre touche à l’imaginaire. C’est celle de l’industrie culturelle et des quelques entreprises colossales qui en centralisent le pouvoir, capables de vendre du rêve mais aussi de polluer nos biotopes démocratiques lorsqu’elles font modèle économique de la désinformation, de l’expression haineuse, de l’exploitation des cerveaux adolescents, de la propagation des stéréotypes.

Oui, face au réchauffement climatique, il y en a un autre, plus insidieux peut-être, c’est le Réchauffement des esprits, du titre d’un essai de Pascale Thumerelle publié en début d’année. Directrice de la Responsabilité sociétale du groupe médiatique Vivendi, jusqu’à sa reprise par Vincent Bolloré et les incitations à la haine diffusées sur les chaînes CNews et C8 (plusieurs fois sanctionnées), cette enseignante à Sciences Po Paris déroule une marée de chiffres et de rapports afin de prendre la température d’une industrie qui semble hors de contrôle. Interview.

Vous parlez de «réchauffement des esprits». Quelles sont les causes de cette fièvre?

Pascale Thumerelle: Les esprits se réchauffent à cause d’entreprises qui créent, produisent et diffusent du contenu particulièrement nuisible à la société, du fait de son caractère addictif, stigmatisant ou malveillant par exemple. Il y a urgence à pointer la responsabilité de cette industrie culturelle lorsqu’elle véhicule des stéréotypes, favorise la désinformation, exploite et manipule le cerveau des plus jeunes, tout cela sans égard pour la cohésion sociale.

Vous tirez un parallèle entre cette «empreinte cérébrale» et l’«empreinte carbone», entre le réchauffement cérébral et planétaire. En quoi ces crises sont-elles comparables?

L’une dépend de l’autre, car le réchauffement climatique ne pourra se combattre qu’avec une information vérifiée et des contenus capables d’éveiller l’esprit critique. Les deux partagent par ailleurs un même caractère d’urgence et de globalité. Surtout, cette notion de «réchauffement des esprits» vise à montrer que nous devons demander des comptes aux industries culturelles, de la même manière que l’on demande aux industries les plus polluantes de se montrer transparentes sur leurs émissions de CO2. Car le poids de ces industries culturelles, du fait de leur centralisation, est tel qu’il est en mesure d’affecter profondément le bien commun.

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