Chronique. Non, le renard n’est pas un connard

Le mot de la fin » Il est revenu. Pas à la nuit tombée, pas à travers une brèche discrète mais en sautant par-dessus la clôture à l’heure du café, en pleine journée. Il a senti notre odeur, celle du chien, celle du sucre en morceaux et des génoises en barquettes et pourtant il est venu. Revenu. Il y a eu des cris, on a couru, hurlé, on est arrivé juste à temps pour le voir emporter Rachid, le petit coq frisé. Sa troisième victime en une semaine.

Ce n’est pas faute d’avoir riposté. Rebouché les trous, érigé d’autres barrières, dispersé des poils de chien, il revient quand même, jamais à court d’idées, à court de trous, jamais rassasié. Rusé comme un renard.

On est arrivé juste à temps pour le voir emporter Rachid, le petit coq frisé

Evidemment on l’a haï, lui et toute sa clique de prédateurs qui plantent leurs crocs dans notre cœur, déchirent des ventres cent fois caressés, choyés, aimés. Des ventres paralysés par la peur, noués d’effroi quand ils sont épargnés, des ventres en sursis, des vies en suspens. On le déteste. On rêve de coups de pied, de l’attraper par la nuque et lui planter la truffe dans une flaque de sang, on rêve de coups de bâton: «Alors content de toi, connard?» On rêve de coups de fusil.

Sauf que le renard n’est pas un connard. C’est un renard. Il attaque parce qu’il a faim. Ou peut-être «elle». Elle attaque parce qu’ils ont faim. Les quatre ou cinq renardeaux qui se jettent sur les restes de Rachid comme des mômes sur une escalope panée, sans se demander combien de cris, de souffrances, combien de drames se cachent sous la panure croustillante.

Et si les poules avaient des dents, croyez-moi qu’elles se montreraient tout aussi sans pitié. Parce que les poules ne sont pas gentilles. Pas plus que le renard n’est méchant. Parce que les gentils et les méchants, ça n’existe pas. A part à Hollywood.