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Suisse

Les enquêteurs des caisses-maladie traquent les fraudes à l'assurance

Les enquêteurs des caisses-maladie ont fait économiser 3,5 milliards de francs aux assurés en 2022


Raphaël Kadishi

Raphaël Kadishi

26 août 2023 à 00:51

Temps de lecture : 1 min

Assurance-maladie » Des coûts de traitement disproportionnés, des analyses non remboursées par l’assurance de base (AOS) et autres erreurs de tarifs, volontaires ou non, jusqu’aux fraudes: à l’heure de contrôler les factures des hôpitaux, médecins et autres laboratoires, les caisses-maladie en voient de toutes les couleurs. Vérifier l’exactitude des montants à charge de l’assurance de base est pourtant essentiel. Sans ce travail de fourmi, les primes seraient 10% plus élevées qu’elles ne le sont actuellement. Voilà une tâche qui intéresse directement les payeurs de primes alors qu’une nouvelle hausse sera annoncée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) dans quelques semaines.

Les enquêtes sur les factures: voilà une prestation des assurances dont on parle peu mais qui permet d’économiser environ 3,5 milliards de francs par an alors que l’ensemble des coûts de la santé dépassent 86 milliards de francs. En 2022, les 16 inspecteurs de l’assureur CSS chargés tout spécialement de la traque des fraudes caractérisées et des montants disproportionnés, ont mis au jour 233 factures litigieuses pour un montant de 31 millions de francs.

«Le contrôle 
des factures 
est un élément central 
pour contenir 
les coûts»
Pius Zängerle

«Leur travail a ainsi empêché que des médecins, des hôpitaux, des organismes d’aide à domicile, des physiothérapeutes perçoivent indûment ces sommes», souligne Isabelle Tasset, porte-parole de la CSS. Certains dossiers d’enquête révèlent des fraudes portant sur des montants très importants. «Les fraudes graves concernent des sommes de plus d’un demi-million de francs, voire davantage dans certains cas», indique de son côté Anja Böhme, porte-parole de Concordia. «A noter cependant que ces chiffres par cas sont cumulés sur plusieurs années.»

Pris la main dans le sac

Hormis une dénonciation, le prestataire de soins pris la main dans le sac peut se voir infliger une demande de remboursement du trop-perçu. La CSS confirme que certaines de ses enquêtes ont débouché sur des procédures des autorités sanitaires ou ont fini devant la justice. Y a-t-il une explosion des fraudes? «Il est certain que nous découvrons davantage de cas parce que nous avons mis en œuvre davantage de moyens de contrôle», déclare Isabelle Tasset. «Mais nous ne pouvons pas dire avec certitude que les fraudes augmentent.»

Des années de travail

La détection, la préparation et le traitement des dossiers litigieux constituent un travail de longue haleine. «Certains cas prennent plusieurs années avant d’aboutir à une reconnaissance formelle de fraude et restitution des montants liés, notamment au travers d’actions judiciaires», note Pascal Vuistiner, porte-parole du Groupe mutuel.

«Les fraudes graves concernent des sommes de plus d’un demi-million de francs»
Anja Böhme

Pour ce travail spécialisé, certaines compagnies recrutent des cerveaux disposant à la fois de très bonnes connaissances des tarifs, des statistiques, de la médecine et du droit. «Des membres de notre équipe ont travaillé auparavant pour les prestataires de soins ou l’industrie pharmaceutique», détaille Urs Kilchenmann, porte-parole d’Helsana. «Ils connaissent donc les processus et les pratiques commerciales de la branche.»

Vigilance payante

Chaque année, Helsana économise un montant à trois chiffres en millions de francs grâce à ses réviseurs. Dans certains cas délicats, l’assureur a recours à de très fins limiers. «Nous ne faisons appel à des détectives au sens strict que dans des cas exceptionnels, car les abus de l’assurance-maladie doivent généralement être détectés et prouvés sur la base de données», précise Urs Kilchenmann. «Cela vaut également pour les cas qui nous sont signalés par des lanceurs d’alerte.»

«Nous ne pouvons pas dire avec certitude que les fraudes augmentent»
Isabelle Tasset

Hormis les actes intentionnels, les simples erreurs de facturation représentent des sommes considérables. Et là, en 2022, l’équipe de la CSS, forte de 493 collaborateurs, a débusqué 743 millions de francs de factures erronées! Cela peut concerner par exemple des analyses médicales réalisées à titre préventif qui ne figurent pas sur la liste des prestations relevant de l’assurance obligatoire.

La CSS a encore découvert un montant de 52 millions de francs de prestations ambulatoires à un tarif Tarmed inadapté ou trop élevé pour les patients privés, 64 millions de francs de soins stationnaires déjà pris en charge par le forfait DRG en vigueur dans les hôpitaux ou encore 36 millions de francs qui ne relèvent pas de la loi sur l’assurance-maladie obligatoire (LAMal) mais d’autres couvertures d’assurance (accident, invalidité).

«D’un point de vue opérationnel, le contrôle des factures est un élément central pour contenir les coûts chez tous nos membres», confirme Pius Zängerle, directeur de Curafutura, une des deux associations faîtières de Suisse qui fédèrent CSS, Helsana, Sanitas et KPT. «Nos membres ont pu économiser au total 1,7 milliard de francs par année grâce à ces vérifications, soit près de 10% des primes.»

Au sein des compagnies, les équipes de vérification et d’enquête automatisent leurs opérations. En 2019, la CSS contrôlait 78% de ses factures automatiquement. «En 2022, 85% des 25,1 millions de factures reçues par la CSS sont vérifiées via un outil d’intelligence artificielle», confirme Isabelle Tasset. «Mais les cas complexes sont traités manuellement.»

Un travail important puisqu’il représente 3,5 millions de factures traitées «à la main», si l’on peut dire. 

Praticiens surveillés

Au classement des prestataires de soins dont les factures comportent des anomalies, les assureurs retrouvent souvent les mêmes acteurs. En 2021, au premier rang des économies réalisées en jouant du crayon rouge, le Groupe mutuel cite avec 158,8 millions de francs les prestations de la logopédie, l’ergothérapie, les prestations des dentistes ou les frais de transport et de secours. Arrivent en seconde position l’ambulatoire hospitalier et des médecins, à hauteur de 101,4 millions de francs. Au troisième rang, les hôpitaux stationnaires et EMS, avec 98 millions, et enfin les médicaments, à hauteur de 50,7 millions.

«Pour détecter ces anomalies dans les pratiques de facturation, des collaborateurs en science des données développent avec les équipes spécialisées des outils de détection», explique Pascal Vuistiner, porte-parole du Groupe mutuel. L’assureur valaisan a économisé au total l’an dernier 539 millions de francs en examinant à la loupe 5,85 milliards de francs de factures, sans toutefois faire la distinction entre erreurs et fraudes dans ces montants. PAS


«L’enquête peut durer un an»

Spécialiste du contrôle de l’économicité chez Helsana, Harry Wüst en connaît un rayon en matière de traque des erreurs ou des fraudes sur les factures des prestataires de soins. Ses équipes vérifient par année 24 millions de factures de l’assurance obligatoire et complémentaire. Interview.

A combien s’élève le montant le plus important que vous avez découvert dans vos contrôles et qui était erroné?

Harry Wüst: Il s’agissait d’un montant qui se chiffre en millions. Je ne peux toutefois pas vous communiquer le montant exact.

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