Chanson » «Le poids des années fait couler le sang emporté par les eaux. La colonne courbée confie ses douleurs au tissu qui porte son fils emballé.» Dans Fleuve, Lorène Mosengo Omba chante ses racines. Elle chante aussi et surtout le tableau accroché au mur de sa chambre et que son père lui a offert en cadeau. «C’est marrant, parce que tout le monde trouve cette chanson dure. Mais si dur signifie dire les choses comme elles sont, alors oui, elle est dure. Et moi aussi, car je suis quelqu’un de franc et direct.»
Installée dans le canapé du salon de la maison familiale, où elle habite encore, la Staviacoise de 26 ans dégaine un sourire avant de le ranger dans le fourreau de sa bouche volubile. Poser une question à Mo’Mot, son nom d’artiste, c’est l’assurance d’avoir une réponse… fleuve et circonstanciée. La langue est pendue et l’humeur badine. Elle se fait plus sérieuse à l’évocation de cette peinture qui l’a touchée au plus profond. «J’étais partie au Congo RDC avec mon père et mon oncle, qui est décédé depuis et qui était comme un deuxième père pour moi, commence-t-elle. Un jour au restaurant, je vois ce tableau, qui m’interpelle. A chaque fois que j’observais cette femme avec son enfant sur le dos qui essaie de traverser la rivière, je me disais: rrrhh, il a quelque chose, quand même… Bref, je pensais avoir tiré un trait dessus quand, à mes 20 ans, soit une année et demie après ce voyage, mon père me l’offre pour mon anniversaire.»
Flotter, dériver
La valeur est sentimentale, la source inépuisable. Elle invite Lorène Mosengo Omba à coucher sur papier les aventures de cette maman africaine. «Cette histoire, je l’ai inventée», précise-t-elle. «L’idée est de dire qu’il y a deux types de personnes: celles qui se laissent flotter et celles qui, comme cette femme, n’ont pas la possibilité de se laisser dériver.» A méditer. Vous avez trois heures.
Mo’Mot joue avec les mots sans éviter les maux, qu’elle délivre cash de sa voix soul et envoûtante. Ne pas croire que ses études de philosophie bavent sur sa prose, souvent sérieuse: chez celle qui a verni son premier opus baptisé Pré-face en mars dernier et qui se produira le 21 juin prochain au Red Pigs Festival, à Payerne, aucune prise de tête. Mais des émotions ressenties qu’il s’agit de partager avec le plus grand nombre. «On me demande parfois: ça va Lorène? Comme si je parlais toujours de moi dans mes chansons, ce qui n’est pas le cas.» Et d’ajouter: «Ce que j’aime, c’est raconter des histoires. Je n’ai pas la prétention d’inspirer des révélations cosmiques. Simplement, il me tient à cœur de proposer des textes qui, pour moi en tout cas, sont de qualité. Non pas parce qu’ils sont techniques, mais parce qu’ils sont sincères.»