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Forum/Courrier des lecteurs

Un jour de plus en moins


1 décembre 2023 à 17:00

Temps de lecture : 1 min

«Depuis que j’ai tutoyé la mort, je vois chaque jour comme un cadeau, un bonus qui m’est accordé.» Belle phrase prononcée par un ami proche, toute empreinte de philosophie. Connaissant la légère tendance à l’hypocondrie de mon interlocuteur, je crois qu’il a vouvoyé de loin la Grande Faucheuse plutôt que tutoyé de près. Mais qu’importe! L’effet est bien là: un renversement de perspective. Vous savez, un peu comme avec les vacances. Les premiers jours, on profite de l’oisiveté ou des découvertes de l’endroit que l’on visite. Avec insouciance, sans penser au lendemain. Puis arrive le point médian, on dépasse la moitié du temps imparti et l’on commence le compte à rebours. Chaque jour qui passe est maintenant un jour de vacances qui reste en moins.

Les vacances offrent une analogie intéressante avec notre passage sur Terre. Au début, les enfants que nous sommes ne se préoccupent pas du temps qui passe: nous ajoutons des jours aux jours et voyons le compteur de notre âge augmenter avec satisfaction. La vie nous paraît infinie. Puis arrive le renversement des perspectives. D’aucuns vivent cette transition sous forme d’une crise, dite de la cinquantaine ou du mitan. Le bout du tunnel n’est soudain plus si hypothétique… Chaque jour qui s’écoule nous rapproche un peu plus de l’inexorable fin. Chaque matin supplémentaire soustrait 24 heures à ce qu’il nous reste. Sauf que, contrairement aux vacances, nous ne connaissons pas l’heure du grand départ!

Dès lors, on peut se morfondre de la durée restante, qui diminue comme peau de chagrin. Ou alors, si on a frôlé la mort comme mon ami, considérer que chaque journée supplémentaire est un cadeau, un bonus. C’est un jour de plus qui nous est accordé. Un jour de moins à vivre, certes, mais en plus en ce qui concerne notre existence: un jour de plus en moins. Mais foin de toute cette arithmétique. La question principale porte sur comment nous utilisons ce temps supplémentaire. A s’instruire, apprécier, aimer, aider? Ou alors à s’ennuyer, critiquer, détester? Car la conscience de notre finitude devrait nous encourager à employer ces heures à bon escient, à ne pas en gaspiller la moindre seconde. Chaque parole bienveillante retenue, chaque mot d’amour pensé mais non exprimé, chaque marque de gratitude tue, chaque geste de gentillesse avorté est une occasion définitivement perdue. Qui ne se retrouvera jamais plus. Un gâchis définitif.

Le temps nous est compté et il est bon de s’en souvenir, même si cela peut paraître lugubre (il existe des horloges de vie, sous forme d’un compte à rebours qui s’écoule en fonction de notre espérance de vie). Non pas pour se plaindre du caractère éphémère de l’existence, mais pour en profiter pleinement. En ce sens, mon ami philosophe a mille fois raison: c’est une question de perspective. A nous d’adopter celle qui nous fait davantage apprécier la vie. Alors apprécions pleinement chaque jour de plus en moins, afin qu’il ne devienne pas un jour de moins en plus…

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