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Forum/Courrier des lecteurs

Sur les chemins de la finance durable


30 novembre 2023 à 14:30

Temps de lecture : 1 min

L’expression «finance durable» recouvre un ensemble hétéroclite de produits et techniques financières au service de finalités qui affirment marier le couple risque/rendement de la finance traditionnelle avec les objectifs extrafinanciers environnementaux, sociaux et de gouvernance. Pour gagner ce pari ambitieux, il ne suffit pas d’associer des objectifs de nature différente, il faut les ordonner par ordre de priorité. C’est là que se situe un 1er défi. Pendant de nombreuses années, l’accroche marketing de la finance durable consistait à prétendre qu’il était aisé et indolore de combiner le rendement avec les effets positifs collatéraux. La réalité est plus coriace: en finance comme ailleurs, il est difficile – voire impossible – de servir «en même temps» deux maîtres. Le défi est donc celui du parler franc, de faire renoncer aux promesses irréalistes et d’affirmer que, oui, l’extrafinancier peut avoir un coût d’opportunité en matière de rendement. Il faut que l’épargnant tout comme le prestataire soit prêt à l’assumer.

Le 2e défi consiste à faire le deuil de l’idée de la toute-puissance de la finance et à admettre que les effets environnementaux et sociaux découlent de l’action des entreprises de l’économie réelle, qui sont donc en première ligne. Si la finance durable veut faire la différence, il lui faut donc agir pour impacter les choix d’investissement réels des entreprises. Deux chemins viennent à l’esprit: les conditions de financement, c’est-à-dire le coût du capital modulé en fonction des projets et de la place de l’extrafinancier, et la pression des actionnaires.

Paradoxalement, les principaux fournisseurs de crédit que sont les banques restent encore frileux par rapport aux enjeux extrafinanciers, alors que les actionnaires durables peinent à monter en puissance dans les CA des entreprises cotées. En effet, une part importante des prestataires de la finance durable préfèrent se cantonner aux placements boursiers classiques sans interférer au quotidien dans la vie des entreprises.

Le 3e défi est celui des attentes de la finance durable par rapport à l’action publique. En effet, l’action publique est, paradoxalement, de plus en plus invoquée comme condition de succès de la finance durable. En théorie, elle aurait les moyens de solder les défis qui précèdent. Elle pourrait en effet imposer aux épargnants un plafond de rentabilité financière, ce qui laisserait un espace pour les objectifs extrafinanciers; elle pourrait aussi agir en assureur là où les objectifs extrafinanciers induisent des risques excessifs pour les épargnants privés. Finalement, l’action publique pourrait exiger de tous les actionnaires une implication effective dans la vie des entreprises. Agir dans toutes ces directions signifierait toutefois un changement de régime: de volontaire, la finance durable deviendrait obligatoire. Nous n’en sommes pas là. Se pose aujourd’hui la question de savoir comment l’action publique peut aider la dynamique de la finance durable à relever les défis qui plombent son efficacité, alors qu’elle peine à disposer d’une légitimité politique forte, comme viennent le confirmer les résultats du 22 octobre.

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