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Culture

Botanique. Quand Rousseau se promenait à fleur de sciences

Le philosophe herborisait avec passion depuis son exil neuchâtelois. Et c’est en ligne désormais que l’on cueille le fruit de ses récoltes

L’herbier conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel rassemble 1242 spécimens et plus de 4000 annotations. © Guillaume Kaufmann

29 janvier 2024 à 17:05

Temps de lecture : 1 min

Il ne faisait pas que rêver, le solitaire, se promenant. Il cueillait aussi, pervenches et fougères, lichens et orchidées, qu’il faisait sécher ensuite dans le grand livre du savoir humain. «J’y ai fait faire une belle caisse pour pouvoir l’emporter partout commodément avec moi. Ce sera désormais mon unique bibliothèque et pourvu qu’on ne m’en ôte pas la jouissance je défie les hommes de me rendre malheureux désormais.»

Herborisateur du proche, guidé par de savants botanistes autant que par son penchant naturaliste, Jean-Jacques Rousseau a ainsi confectionné plusieurs herbiers où dorment fragilement 3768 plantes séchées. On les feuillette, numérisées, sur une plateforme inaugurée récemment par l’Université de Neuchâtel. Fruit de quatre ans de travail à la croisée de l’histoire des sciences, de l’histoire littéraire et de l’informatique, ce site internet met en réseau et en contexte les quatorze collections botaniques éparpillées entre France et Suisse, qu’il offre à une contemplation inédite. Interview de Timothée Léchot, historien de la littérature et responsable scientifique du projet.

Comment le philosophe Rousseau est-il devenu botaniste?

Timothée Léchot: Contraint de fuir Paris après le scandale provoqué par ses livres Emile et Du contrat social, Rousseau trouve refuge à Môtiers, dans le Val-de-Travers, où il compte abandonner le métier d’auteur polémique et consacre un temps croissant à la promenade. A l’instar d’autres philosophes du Siècle des Lumières, il s’intéresse beaucoup à la botanique, en pleine révolution au milieu du XVIIIe siècle. Cela deviendra beaucoup plus qu’un passe-temps mais une véritable «passion», comme il la nomme, et qu’il pratiquera à un haut niveau pendant les 15 dernières années de sa vie.

A quoi ressemblaient ses cueillettes?

Lui qui aimait tant se promener, à la fois car il avait besoin de marcher pour des raisons médicales mais aussi car cela lui permettait de fuir les importuns qui venaient sonner à sa porte, se retirait volontiers dans la nature, seul ou avec des amis, à la recherche de plantes. Pendant les trois années qu’il passe dans la principauté de Neuchâtel, plusieurs botanistes très doués vont aussi l’accompagner et l’initier.

Quelle influence aura cette passion sur ses écrits?

Elle marquera sa réflexion sur l’éducation, Rousseau écrivant, dans la prolongation du traité d’éducation qu’était Emile, une sorte de cours de botanique élémentaire à destination d’une femme et de son enfant. Mais elle nourrira aussi ses interrogations sur le rapport à la nature et sur le regard qu’on peut y porter: est-il possible de bien connaître les plantes hors des flores imprimées et autres textes savants, souvent composés en latin? Enfin, ses Rêveries du promeneur solitaire en porteront également l’empreinte dans de très belles pages liées à sa pratique de l’herborisation.

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