Musique » Sur la table, deux bougies allumées. Le triomphe modeste d’une présence qui rayonne, tenace, dans cette vallée de fêtes froides et de nuits blanches. De la friche artistique que fut le Flon, petit Soho lausannois défiguré par la marchandisation, il est le dernier et il le sait. Fier comme le chiendent au milieu des boulevards privatisés où seules fleurissent aujourd’hui les caméras. «Cela fait 35 ans que ce lieu est en sursis, mais j’ai fini par prendre racine. Quand les politiciens débarquent pour tout raser, je leur joue une valse et c’est reparti pour quelques années», se marre l’indocile en son enclave.
On est à la table de Pascal Auberson, il nous sert une tisane «feu du dragon», on se dit que ça lui va bien, au génie des lieux. On est venu car il a 70 ans et mille projets, 300 chansons et aucun regret. Il en parle comme il improvise, digressions et émotions, entre ces murs qui le disent tout aussi bien. Décor d’un tintamarre en dormance: deux demi-queues se chuchotent des confidences à cordes ouvertes, un tuba rutile dans son coin, une guitare prend des airs graves de violoncelle, une autre a perdu ses frettes sous les assauts du fiston.