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Gaëlle Josse à Payerne pour parler de son nouveau roman

La romancière française, attendue à Payerne jeudi, explore la malédiction de l’oubli et du silence au sein d’un trio familial. Puissant.

Les classiques à la poubelle? Piles de livres classiques à prendre en photo à la Librairie Payot. Photo Lib/Alain Wicht, Fribourg, le 11.08.2022Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

26 août 2022 à 14:48

Littérature » C’est une œuvre qui, depuis une décennie et autant d’ouvrages souvent primés, excelle à conjuguer l’intime au féminin, à dire les béances intérieures, la solitude, l’attente, incarnées en personnages forts. «A l’ombre de ta colère, mon père, je suis née, j’ai vécu et j’ai fui», et dès l’incipit on saisit que ce nouveau roman de Gaëlle Josse creuse et prolonge ce même sillon psychologique, ici sur le terreau familial, avec pour outil toujours aussi aiguisé son écriture concise et précise.

La romancière française donne corps au silence et à la reptation de l’oubli

Dans La nuit des pères, la romancière française, attendue à la librairie Page 2016 de Payerne jeudi et au Livre sur les quais de Morges le week-end du 3 et 4 septembre, donne corps au silence et à la reptation de l’oubli. Car le père, guide de montagne vieillissant resté tourné vers les hauteurs pour mieux fuir d’anciennes horreurs, est peu à peu gagné par cette maladie qui afflige la mémoire. Sur des petits billets au fond de ses poches, les noms de ses enfants, Isabelle et Olivier, pour ne pas oublier.

Et voici la fille qui fait son retour dans la maison de l’enfance, au pied des sommets, après des années à fuir ce père irascible dont l’indifférence violente a annihilé tout bonheur familial. Saturne dévorant son enfant, ogre néfaste dont la blessure est cri dans la nuit et silence dans le jour. Avant la dernière ascension, alors que chacun porte ses morts et ses secrets, seuls les objets, «terribles de présence», semblent pouvoir encore raconter, et libérer les mots enfouis.

«A l’ombre de ta colère, mon père, je suis née, j’ai vécu et j’ai fui»
Gaëlle Josse, «La nuit des pères»

Eloquent huis clos aux voix narratives alternées, où passé et présent se superposent, et qui rappelle combien Gaëlle Josse est passée maître en clairs-obscurs et contre-jours – elle qui, ce n’est pas anodin, a consacré des ouvrages aux peintres Georges de La Tour et Vermeer, ainsi qu’à la photographe Vivian Maier. Contrastes qui structurent ce roman, où les profondeurs maritimes qu’explore la fille cinéaste s’opposent aux cimes du père, où ombre et lumière tendent de leur opposition symbolique la trame du récit.

On regrette certes, et particulièrement dans les derniers chapitres, quelques redondances qui nuisent à la puissance de cette Nuit des pères, émoussée aussi par des images parfois convenues. Mais son art d’écrire contre le silence, de saisir l’ambiguïté de l’amour filial et de décrire l’héritage de ces douleurs tues que nul oubli ne pourra apaiser, fait de ce roman l’un des textes marquants de la rentrée littéraire.

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