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NIFFF. revisiter les représentations LGBTQ dans le cinéma fantastique

Le Neuchâtel international fantastic film festival (NIFFF) explore jusqu’au 9 juillet les représentations LGBTQ dans le cinéma fantastique.

Bound (1996), de Lana et Lilly Wachowski, figure au menu de la section Scream Queer du NIFFF.

1 juillet 2022 à 14:03

Festival » Le cinéma de genre n’aura jamais aussi bien porté son nom qu’au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF), qui déroule sa 21e édition jusqu’au 9 juillet. En effet le rendez-vous du cinéma fantastique et d’horreur présente cette année une rétrospective intitulée Scream Queer – jeu de mot avec l’expression scream queen, désignant une actrice spécialisée dans les rôles de victimes hurlantes – dédiée à la représentation des cultures LGBTQ dans le cinéma fantastique. Ce programme inédit d’une vingtaine de longs et courts-métrages doit «mettre en lumière les représentations, fantasmées ou chimériques, de l’homosexualité et de la transidentité dans les cinématographies de l’imaginaire».

Un voyage historique des années 1920 (Salomé de Charles Bryant et Alla Nazimova, 1922) à nos jours (par exemple le cinéma de Yann Gonzalez: Un couteau dans le cœur, 2018, et Hideous, son nouveau film projeté en exclusivité au NIFFF) et qui témoigne de l’évolution de la société sur les questions de genre. On passe du «grand méchant queer» à la célébration de la différence. Le NIFFF va puiser dans cet héritage cinématographique pour «mettre en perspective des visions et des imaginaires multiples, passés et présents, et les revisiter à l’aune d’une conception contemporaine du fantastique et la culture queer».

 

Un code de censure

«Le cinéma des débuts était très allusif et crypté sur les évocations gays ou lesbiennes. Mais dès les années 1920-1930 on trouve des représentations que l’on peut lire comme homosexuelles, ou homosensibles, dans le cinéma fantastique. Dès 1931, l’un des réalisateurs qui incarne le cinéma d’horreur à Hollywood, James Whale, qui est lui-même homosexuel, va nourrir ses films d’un sous-texte homoérotique plus ou moins apparent. Il est le réalisateur du premier Frankenstein, qui n’est pas un film sur l’homosexualité, mais qui va néanmoins faire de la question de la différence un point central. La créature, celui qui est différent, n’est pas le méchant de l’histoire. C’est l’homme qui l’a créée qui l’est», explique Didier Roth Bettoni, auteur et historien du cinéma LGBTQ français, qui donnera une conférence sur le sujet dimanche 3 juillet à 14 heures dans le cadre du NIFFF.

A cette époque, le cinéma fantastique est essentiellement américain. Les Etats-Unis se dotent en 1934 d’un code de censure très stricte. Les représentations de l’homosexualité à l’écran, même cryptées, deviennent quasiment impossibles. «Il y aura par la suite d’autres évolutions à partir des années 1950. Notamment avec l’arrivée d’un cinéma érotique qui va utiliser les figures de vampires lesbiennes pour faire passer à la fois de l’érotisme et de la transgression sexuelle», poursuit le spécialiste. Le célèbre film d’Alfred Hitchcock Psychose (1960), qui fait partie de la rétrospective, est emblématique d’une manière de représenter la transidentité. Norman Bates, le tueur, se transforme en sa mère. «Les personnages homosexuels ou transgenres sont représentés très largement de manière négative ou sensationnaliste. On voit cela aussi dans Pulsions de Brian De Palma, dans lequel Michael Caine est un psychiatre transgenre qui tue lorsqu’il s’habille en femme. Il y a toujours là derrière une peur des femmes, un œdipe mal réglé, des traits ambigus…»

Evolutions sociétales

Mais les mentalités évoluent et les représentations LGBTQ se diversifient à partir des années 1980. «Il y a eu quelques signes avant-coureurs comme le Rocky Horror Picture Show, en 1975, qui offrait des perspectives différentes. Globalement le contexte se détend à partir des années 1980», explique Didier Roth Bettoni. Plusieurs films de la rétrospective sont les témoins de cette époque charnière. Par exemple le film de vampires Génération perdue (The Lost Boys) de Joel Schumacher (1987) ou La Revanche de Freddy (1985), suite iconoclaste et décriée à sa sortie des Griffes de la nuit (A Nightmare On Elm Street), classique horrifique signé par le maître Wes Craven.

Aujourd’hui, les représentations queer sont radicalement différentes dans le cinéma de genre. «On le voit très dans les films de Julia Ducourneau, dans Grave et surtout Titane, qui a remporté la Palme d’or en 2021. La question du genre est traversante. La façon dont on représente des identités ou des sexualités autres via le cinéma d’horreur est fondamentale», illustre Didier Roth Bettoni pour qui le cinéma de genre n’est que le reflet de son époque. «Le cinéma fantastique et le cinéma d’horreur sont des genres par essence populaires qui touchent très directement toutes les classes sociales. Il est logique qu’ils reflètent leur époque. Ce sont des genres très sensibles aux évolutions sociétales. Ça vaut pour le cinéma mais aussi pour la télévision avec les séries qui sont en phase de manière immédiate avec ce qui se passe dans la société.»

NIFFF, du 1er au 9 juillet.

www.nifff.ch

Park Chan-wook et la relève

Jusqu’au 9 juillet, le Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) embrasse la pluralité du fantastique. Sa programmation affiche 128 œuvres venues de cinq continents. Un «panorama des chimères de notre époque» qui témoigne de la diversité du cinéma de genre. Le NIFFF met en avant aussi bien la relève audacieuse que les dernières œuvres de cinéastes cultes (Park Chan-wook, Dario Argento). «Le NIFFF s’affirme plus que jamais comme l’observatoire privilégié des multiples déclinaisons du fantastique. Mon objectif est de préserver la haute qualité et l’exigence qui ont toujours caractérisé le festival», explique Pierre-Yves Walder, nouveau directeur général et artistique. Le festival s’articule comme à son habitude autour d’une compétition internationale mettant en lumière les talents d’aujourd’hui: Hypocondriac, de l’américain Addison Heimann ou Something In The Dirt, du duo Justin Benson et Aaron Moorhead. La compétition asiatique quant à elle illustre la diversité des cinématographies qui agitent le continent. Tandis que la section Third Kind explore les genres connexes au fantastique.

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