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Écrans

«Vortex» de Gaspar Noé. «On est bien peu de chose»

Gaspar Noé signe un film au réalisme saisissant sur le grand âge et la mort


François Tardin

François Tardin

19 avril 2022 à 15:05

Vortex » Gaspar Noé est un réalisateur tape-à-l’œil, c’est bien connu. Ses films, souvent glauques et violents pour ne pas dire complètement perchés, s’accompagnent de partis pris formels bruyants, aveuglants ou déconcertants. Irréversible était raconté à l’envers, Enter The Void et Lux Aeterna étaient noyés sous les néons lumineux et le dernier en date, l’hédoniste Climax, donnait carrément le vertige.

Eh bien surprise, son nouveau film, Vortex, n’est rien de tout cela. Il nous plonge dans le quotidien d’un couple de personnes âgées s’approchant inexorablement de la mort. Tandis que leur fils les regarde glisser doucement vers la sortie, impuissant.

Vortex est dédié «à tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur». C’est donc bien de sénilité et de dégénérescence qu’il s’agit. Lui (Dario Argento et son inimitable charme italien) est un ancien critique de cinéma reconverti en écrivain qui passe ses journées à taper son livre sur une vieille machine à écrire tandis qu’elle (bouleversante Françoise Lebrun) est une ex-psychiatre atteinte de démence sénile.

 

Perdue, l’octogénaire erre dans le petit appartement débordant de livres, d’affiches de films ou de petits billets lui rappelant quoi faire et comment. Elle s’échappe également dans les boutiques du quartier où tout le monde la connaît et garde un œil sur elle. Leur fils Stéphane (Alex Lutz, très juste) essaie tant bien que mal d’organiser le quotidien de ses parents mais il doit faire face à ses propres démons.

Enfermés par le destin

Filmé intégralement en split screen – l’écran partagé en deux – le long-métrage est un mélange d’audace formelle et de douceur. Dans les instants insignifiants du quotidien c’est la vie qui s’étiole irrémédiablement et l’amour de ces séniors qui devient de plus en plus impossible. Dénuée d’artifices et d’effets spéciaux, la mise en scène tire pleinement parti de la dualité de l’écran, convoquant d’innombrables jeux de miroirs et de mises en abyme. Enfermés dans ces deux cadres carrés, les personnages semblent coincés par le destin dans un déclin lent et implacable.

Un mélange d’audace formelle et de douceur

Le réalisme avec lequel Gaspar Noé capte la détresse du grand âge est saisissant. Il nous avait prévenus dans Irréversible: «Le temps détruit tout». Encore une fois, son mantra pourrait s’appliquer à Vortex. Bien aidé par un duo d’acteur renversant – surtout Françoise Lebrun dont les regards embrumés traduisent la plus grande confusion – le cinéaste signe l’un de ses meilleurs films. Une œuvre maîtrisée, rude, déprimante aussi, mais surtout terriblement vraie. Comme le chante Françoise Hardy au début du film: «On est bien peu de chose». 
 

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