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«Une urgence ordinaire» de Mohcine Besri. le Maroc aux soins intensifs

Mohcine Besri ausculte les urgences de Casablanca et y soigne les plaies de son pays

A l’image des urgences de Casablanca, la société marocaine est emprisonnée dans un système qui dysfonctionne.

16 août 2022 à 18:57

Une urgence ordinaire » Tout commence par une scène de suicide un rien tragi-comique. Un jeune homme se jette sur l’autoroute depuis un pont et atterrit bien malgré lui non pas sur le bitume mais sur un camion transportant des chèvres, amortissant ainsi sa chute. Ainsi sauvé par la Providence, le miraculé est acheminé à l’hôpital de Casablanca. Le décor d’Une urgence ordinaire est planté: le rire n’est jamais loin des larmes.

C’est dans cet établissement hospitalier public particulièrement remuant que Mohcine Besri plante sa caméra agile pour mieux nous conter les maux de son pays, le Maroc, à travers une galerie de personnages qui vont se croiser, s’opposer, s’entraider et plus encore. Il y a bien sûr le petit Ayoub, 6 ans et une tumeur au cerveau, accompagné de ses parents qui ont quitté leur village de pêcheurs pour venir le soigner en ville. Il y a l’oncle Houcine, en froid avec sa famille et qui voit dans le sauvetage de son petit neveu l’occasion de se racheter. Il y a aussi ce médecin empêtré dans ses propres ennuis familiaux…

 

Une poésie humaine

Loin des mélodrames en blouses blanches que nous sert régulièrement la télévision depuis trente ans, Une urgence ordinaire n’est pas un concours d’exotisme médical. Au contraire, le long-métrage de Mohcine Besri s’attache à décrire le quotidien d’un peuple dont les institutions ne tournent pas rond et dont le système est gangrené par la corruption. Des problèmes très concrets, comme cet appareil d’imagerie par résonance magnétique hors service ou l’obligation de brader quelques bijoux au souk pour se payer des soins.

Il se dégage de ce tableau sombre une étrange poésie

Mais si le film est bien enraciné dans l’ordinaire il fonctionne aussi comme une métaphore d’un pays à deux vitesses qui dysfonctionne autant que cet hôpital de Casablanca. Il se dégage toutefois de ce tableau sombre une étrange poésie. Comme le souligne le réalisateur, la richesse de son pays ne se trouve pas dans son sous-sol mais dans son peuple. Et ses personnages drôles, attachants et pétris d’humanité nous le rappellent.

Avec ses comédiens convaincants et sa mise en scène sensible, Mohcine Besri se met au chevet d’une société qui s’enfonce mais qui garde en elle la force de rebondir. Une immersion faisant la part belle aux plans-séquences et aux gros plans comme pour mieux capter l’humanité des drames qui se jouent quotidiennement dans ce service d’urgences.

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