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Écrans

«3/19». du thriller à la reconstruction

Silvio Soldini raconte une avocate qui remet sa vie en question après un accident

Kasia Smutniak enquête sur la mort accidentelle d’un migrant anonyme.

26 juillet 2022 à 15:10

3/19 Il giardino del re » Les personnes anonymes décédées se voient attribuer en Italie un code. Le titre énigmatique du nouveau film de Silvio Soldini 3/19 fait référence à la troisième personne non identifiée à mourir en 2019. La plupart du temps, ces gens sont des migrants, et c’est l’un d’entre eux qui va venir hanter le quotidien de la protagoniste de ce thriller urbain virant au questionnement existentiel.

Camilla (interprétée par l’actrice italo-polonaise Kasia Smutniak) est une avocate d’affaires à la carrière vertigineuse. Toujours élégante, vivant à 200 à l’heure, elle décroche des contrats à six chiffres pour le compte d’une multinationale. Mais comme le dit son patron avec une pointe d’admiration, elle a aussi «un caractère de merde». Alors qu’elle enchaîne les heures de travail et les dîners d’affaires, Camilla tire sur la corde. Excédée par une remarque sexiste de son boss, elle quitte inopinément leur limousine pour rejoindre son hôtel sous une pluie battante. C’est là qu’elle est renversée par un scooter, conduit par des migrants. Elle s’en sort avec un bras fracturé, mais le passager, lui, succombe. Submergée par la culpabilité et le doute, l’avocate se lance dans une enquête afin de découvrir l’identité du jeune homme afin de lui offrir un enterrement digne et de rencontrer sa famille.

 

Dense et rythmé

En quelques minutes, Camilla descend de son piédestal et plonge dans un univers bien éloigné de son quotidien. Son périple débute à la morgue, puis se poursuit dans les centres de requérants d’asile et les soupes populaires. Elle rencontre le directeur de la morgue (Francesco Colella), qui l’assiste dans ses recherches. Mais à mesure qu’elle s’enfonce dans cette énigme, son mal-être fait rejaillir les blessures du passé, notamment celles liées à la relation très conflictuelle que l’avocate entretient avec sa fille de 22 ans. Plus le temps passe et plus il devient apparent qu’une autre vie est possible, plus proche des autres, plus humaine, tout simplement.

Le message de Silvio Soldini est clair: abandonner son rythme de vie frénétique pour mieux prendre soin de soi-même et des autres est un idéal. Mais ce changement de paradigme a un prix. Il ne se fait pas non plus en un claquement de doigts. C’est un long chemin que son scénario dense et rythmé illustre parfaitement. Kasia Smutniak incarne avec de belles nuances cette femme d’affaires en pleine crise existentielle, quitte peut-être à en faire un peu trop. Il faut bien dire que l’histoire lui réserve un sacré grand huit émotionnel sur lequel elle embarque avec la ferme intention de ne pas fermer les yeux.

Tendresse et révolution

Se déroulant dans la ville de Milan, dont est originaire le réalisateur italo-suisse (Pain, tulipes et comédie, Ce que je veux de plus), le long-métrage porte en lui un caractère résolument citadin. L’architecture sert notamment à illustrer l’enfermement des corps: les migrants sont prisonniers de leur statut politique, tandis que les nantis sont pris au piège dans leurs rôles sociaux.

Silvio Soldini nous offre quelques scènes d’une grande tendresse – la rencontre entre Camilla et le directeur de la morgue en est une – et montre bien l’évolution de son héroïne. Ou plutôt sa révolution. Très construite, son histoire vire toutefois un peu à la démonstration dans la seconde moitié du métrage, quitte à tirer un peu sur la corde de la vraisemblance. Un détail qui n’empêche pas le film de faire mouche en proposant un bel itinéraire de réinvention personnelle.

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