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Écrans

De la cité jusqu’aux étoiles

Ambition onirique et politique: Gagarine est un conte urbain qui met le réel sur orbite

Le film mélange la chronique sociale et la science-fiction avec un naturel surprenant.

29 juin 2021 à 15:23

Gagarine » Il a de la gueule, le cinéma français, depuis la réouverture des salles! Après l’excellent et hanté Médecin de nuit (encore à l’affiche) ou la parabole horrifique La Nuée (pas encore sorti chez nous), voilà que débarque cet énigmatique Gagarine, une nouvelle proposition forte dans un paysage d’ordinaire saturé de comédies ronronnantes.

Dès les premiers instants, Gagarine intrigue et captive. On ne s’attend pas forcément à ces images d’archives relatant la visite du cosmonaute russe Youri Gagarine à l’occasion de l’inauguration de la cité HLM qui porte son nom, construite au début des années 1960 à Ivry-sur-Seine. De grandes barres de briques rouges, comme pour souligner l’héritage communiste de cette banlieue parisienne, qui vont progressivement être abandonnées par les autorités. Ce décor une fois établi, les réalisateurs Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, qui viennent du documentaire et signent ici leur première fiction, font un saisissant saut temporel.

Bienvenue aujourd’hui dans cette même cité Gagarine, une ruine insalubre et amiantée, à quelques semaines de sa démolition. Parmi les quelques habitants qui n’ont pas encore été relogés, Youri (Alséni Bathily), orphelin de 16 ans, entre en résistance. L’adolescent, aidé par ses amis Diana (Lyna Khoudri) et Houssam (Jamil McCraven), se met en tête de réparer sa cité (après tout il en porte le nom) pour éviter sa destruction. Eclairage des parties communes, ascenseurs en panne… Youri et sa bande font preuve de débrouillardise, souvent à la limite de la légalité, pour rafistoler des bâtiments pourtant voués à une mort plus que certaine. Une lutte dérisoire.

Une nouvelle dimension

Filant la métaphore spatiale (Youri rêve de devenir cosmonaute et dessine les plans de sa cité tels ceux de l’ISS, la Station spatiale internationale), le duo de réalisateurs ose avec une assurance de chaque plan transcender cette chronique sociale en une odyssée onirique absolument unique. En quelques scènes fort bien construites et soutenues par des effets spéciaux très réussis, ils renversent les attentes du «film de banlieue», offrant à cet espace urbain si souvent caricaturé une nouvelle dimension. Quasiment documentaire dans ses premières minutes, le long-métrage glisse lentement vers des territoires poétiques à l’audace visuelle indéniable.

La cité elle-même joue un rôle qui dépasse celui de simple décor matériel

Grâce aux jeunes comédiens spontanés qui les incarnent, ces personnages très construits (le jeune Noir orphelin, la fille de la communauté Rom) parviennent à toucher et émouvoir. La cité elle-même joue un rôle qui dépasse celui de simple décor matériel jusque dans les dernières minutes qui virent carrément au fantastique et à la science-fiction. Le tout dans un mouvement naturel qui surprend par son efficacité. Gagarine est un conte urbain qui met le réel sur orbite, un film social raconté comme une épopée spatiale à la vibration poétique rare.

Gagarine

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