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Culture

A Gaza, un patrimoine archéologique dévasté

L’archéologue genevois Marc-André Haldimann, fin connaisseur des richesses archéologiques de la bande de Gaza, alerte sur les bombardements israéliens qui, en plus de milliers de vies humaines fauchées, font aussi des victimes collatérales tels la Grande Mosquée al-Omari, les bains d’al-Samara, le caravansérail mamelouk, l’église Saint-Porphyre…

De la Grande Mosquée al-Omari, ici en 2016, il ne reste pratiquement que le minaret. © Marc-André Haldimann

12 janvier 2024 à 12:45

Temps de lecture : 1 min

Histoire » C’est l’autre cataclysme en cours: tout le patrimoine archéologique de Gaza est en phase d’anéantissement. Réduit en poudre car bombardé avec la même méticulosité indiscriminée que les personnes qui peuplent la zone. «Tout semble montrer qu’on veut effacer l’histoire», lâche l’archéologue ­genevois Marc-André Haldimann.

Politique de la terre brûlée pour créer une situation de non-retour, avec des victimes collatérales tels la Grande Mosquée al-Omari, les bains d’al-Samara, le caravansérail mamelouk, l’église Saint-Porphyre… «Et tous les magnifiques monuments et bâtiments du XVIe au XIXe siècle de la Vieille-Ville de Gaza. Tout est désormais pulvérisé.»

Chercheur associé à l’Université de Berne après avoir été conservateur des collections archéologiques du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), Marc-André Haldimann est un fin connaisseur de la bande de Gaza, «ce territoire à peine plus grand que le canton de Genève. J’ai eu le privilège de m’y rendre à huit reprises entre 2005 et 2016.» Il était aussi l’un des protagonistes de l’importante exposition Gaza à la croisée des civilisations, présentée au MAH en 2007, avec ses 530 objets racontant la ­richesse d’une histoire plurimillénaire. Des pièces restées depuis lors à Genève (lire ci-dessous).

Encens et myrrhe

«A la base de cette exposition, il y avait l’idée de créer un musée d’archéologie: la population de Gaza n’a pas ­accès à son passé, alors qu’il est abondamment mis en valeur en Egypte comme en Israël.» Lors d’un premier voyage sur place en 2005, le contexte local semble favorable, alors que l’Etat hébreu démantèle ses colonies dans la bande de Gaza.

Puis le Hamas arrive au pouvoir et Israël met en place son ­blocus. «Le projet de musée n’intéresse pas le Hamas, qui a d’autres priorités et estime de toute manière que la civilisation débute avec l’islam.» Pour autant, le mouvement ne suit pas les élans ­iconoclastes de l’Etat islamique ou des talibans – le patrimoine est préservé.

Sans être abandonnée, la prospective de musée est mise en veilleuse, tout comme le concours d’architecture que la ville de Genève voulait organiser. Et seuls deux stagiaires sont formés au bout du lac – c’était en 2008 –, un projet destiné à faire bénéficier la future institution gaziote d’un savoir-faire en gestion muséale, restauration, scénographie, ou médiation, «un enjeu crucial».

Qu’est-ce qui fait l’intérêt de l’archéologie de Gaza? «La bande est un point de contact essentiel entre l’Afrique et l’Asie, un champ de tensions pour l’Egypte antique, qui a besoin du cuivre du Sinaï et du vin de la région. Et une zone de passage pour le commerce ­essentiel de l’encens et de la myrrhe, avec son flux caravanier nabatéen en provenance du Yémen.»

Gaza était donc un carrefour commercial de première importance, attesté d’un point de vue urbain depuis le IIIe millénaire av. J.-C. «La partie nord de Gaza fait partie de la bande côtière de dunes qui va au-delà de Tel-Aviv – des territoires fertiles et densément peuplés. Quant au sud, il est beaucoup plus désertique, avec des traces d’occupation principalement égyptiennes – et cela depuis le Ve millénaire av. J.-C. La frontière géographique est marquée par le Wadi Gaza, la seule rivière qui traverse la bande de Gaza.»

Général-archéologue

Si la première ville attestée est Tell es-Sakan, centre fortifié d’influence égyptienne construit au IVe millénaire av. J.-C., l’urbanisation se renforce à partir du premier millénaire av. J.-C. – en témoignent des centaines de sites archéologiques sur la bande de Gaza. «Ils sont très mal connus, car seule l’armée d’occupation israélienne les a fouillés, entre 1967 et 2005, lors du ­développement des colonies et des routes pour le Sinaï.»

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